Un fabricant de scooters à « pérennité programmée »
L’entreprise française Mob-ion a écoconçu ses scooters électriques dans le but de les rendre toujours plus durables, en limitant et facilitant leurs réparations et leur maintenance. Découvrez le secret de cette PME, qui est parvenue à être « moins cher de 30 % que les moins chers des chinois ».
Mob-ion incarne cette nouvelle façon de penser l’économie. « Aux dérèglements écologiques s’ajoute une crise de confiance de la part des consommateurs. De nouveaux modèles, fondés sur le partage, le réemploi et la coopération sont en train d’apparaître », assure-t-on au sein du constructeur de véhicules électriques à deux roues de la rue Saint-Honoré, à Paris. A l’opposée de l’obsolescence programmée, la PME souhaite ancrer la durabilité au cœur de ses activités : de la conception, la production, l’entretien de ses produits et ses choix logistiques. « On a compris que la planète ne pouvait pas nous fournir de manière illimitée des ressources et de l’énergie. Et trouver les moyens pour arrêter cette croissance linéaire. Aller vers un modèle circulaire. Mob-ion développe le concept de pérennité programmée circulaire », affirme Christian Bruere.
« Remanufacturation »
Mob-ion a conçu des scooters électriques, qu’elle fabrique en France, puis reconditionne, et recycle certains de ses composants. « Nous intégrons les principes de l’économie circulaire et de la remanufacturation : recherche constante de matériaux renouvelables, réutilisables, reconditionnables et recyclabes », explique le fondateur. C’est ce qu’il appelle la « conception démontable ». C’est-à-dire un « produit low tech en matière de conception, de manière à ce qu’il soit démontable facilement. Car quand on démonte facilement, on répare facilement, souligne-t-il. Et quand la pièce, le sous-ensemble arrive en fin de vie, on recycle correctement de manière optimale, ce qui n’est pas le cas des produits aujourd’hui, car il y a de la résine, de la colle, c’est serti, donc on ne peut rien démonter, donc on ne peut pas recycler. »
Son scooter AM1 est décrit comme le fruit de « plusieurs années d’amélioration continue (…) basé sur les retours terrain et l’analyse de données provenant de l’utilisation intensive du scooter sur le territoire d’expérimentation de la restauration livrée ». L’engin a été homologué dans un pays sous cloche, en raison de la pandémie de Covid-19. Pour tester ce deux-roues en condition réelle, cinq millions de kilomètres ont été parcouru, en le confiant à une société de restauration livrée (le premier métier de M. Bruere) afin de s’assurer que « le produit était bien pérenne et que surtout il coûtait très peu cher en maintenance, précise le fondateur d’Allo Resto. Notre objectif n’est pas le prix de vente – puisqu’on ne vend pas notre scooter – mais combien il va coûter du début à sa fin de vie ».
Loi des composants
Christian Bruere explique que la loi des composants lui a permet d’être à un « prix de revient industriel inférieur à nos concurrents chinois ». Et d’ajouter pour casser les codes : « On est capable de dire parce qu’on fabrique en France on est moins cher. » Car sur le scooter électrique AM1, certains composants ont été conçus afin qu’ils puissent être démontables et « réemployés jusqu’à vingt ans ». Ce système permet une dotation annuelle aux amortissements beaucoup plus faible, entraînant la réduction du coût de revient et donc du prix de vente. « C’est pour conserver la propriété des sous-ensembles qui composent leurs scooters, vie après vie, que Mob-ion opte pour un système de location longue durée », affirme le fondateur, qui produit ses scooters dans un site industriel de 24 000 m², sur la commune de Guise, dans l’Aisne.
« On a conçu beaucoup de nos composants », explique M. Bruere à Machines Production. Des scooters qui comprennent plus de composants que les autres modèles du marché. Tout simplement, parce que « nous avons souhaité qu’ils soient tous démontables ». Certes, cela coûte plus cher au départ, reconnait le président de Mob-ion. Quant au moteur électrique, l’avantage est qu’il contient « 93 % de composants métalliques et tous ultra durables, tels que le cuivre, l’acier et l’aluminium que nous anodisons pour qu’il soit plus solide ». Et d’ajouter : « Le moteur arrivé en France nous aura coûté 300 euros, mais dès qu’on le rétrofite, il ne nous coûte plus que 60 euros », relève Christian Bruere, qui précise avoir développé un outillage spécifique afin de pouvoir démonter le roulement du moteur électrique qui est serti à l’origine. « Et cette opération-là, on aimerait la réaliser avec des robots, car c’est une tâche peu valorisante pour l’opérateur », projette-t-il.
Recyclage des batteries
Le scooter électrique AM1 est alimenté par une batterie électrique amovible, conçue et produite en Normandie. Elle permet, en fonction des versions, une autonomie de 42 à 195 km, selon l’utilisation et les conditions climatiques, précise le constructeur. Elle peut être rechargée grâce à un ou plusieurs chargeurs portatifs, sur une durée comprise entre 2h15 et 4h30, selon le type de batteries et de chargeurs.
Quatre ans de R&D ont été nécessaires avant que les premiers prototypes ne soient testés. Pour sa création, l’entreprise a bénéficié de 800 000 euros de financement, provenant d’investisseurs, et a été lauréate de l’appel à projets Initiative PME véhicules et transport de l’Ademe. Mob-ion s’est appuyée sur l’expertise de l’unité de recherche LAAS-CNRS de Toulouse pour la conversion de puissance des batteries, « car en seconde vie, nous utilisons nos batteries pour le stockage stationnaire d’énergie solaire », souligne Christian Bruere, qui dit aussi travailler sur la seconde vie des matières premières que l’on trouve dans les batteries, avec une entreprise qui va développer pour Mob-ion une machine capable de démonter les batteries en toute sécurité.
« Design for disassembly »
En s’appuyant sur une analyse de cycle de vie (ACV), initiée en septembre 2022, afin d’évaluer les impacts et les bénéfices environnementaux de son scooter AM1, Mob-ion a pu constater qu’en guise de comparaison avec un scooter thermique de puissance équivalente, soit 50 cm3, l’impact du transport en scooter AM1 est inférieur sur l’ensemble des indicateurs analysés, « sauf pour la consommation d’eau, dû principalement à la production de la batterie », reconnait toutefois le constructeur écoresponsable. Et que son impact sur le réchauffement climatique était près de huit fois moins élevé que celui d’un scooter thermique.
Le concept de pérennité programmée repose sur le « design for disassembly », c’est-à-dire la conception démontable. Car cela « nous permet de garder la main sur la qualité des pièces de remplacement, afin de préserver la longévité de nos produits, ou de décider de leur reconditionnement ou de leur recyclage », analyse-t-on chez Mob-ion, qui porte son effort sur « la recherche constante de matériaux renouvelables, réutilisables, reconditionnables et recyclabes ».
« La magie de notre modèle est qu’il est extrêmement soutenable et vertueux. En plus, on arrive à être plus compétitifs que nos concurrents, même les moins chers d’entre eux », triomphe Christian Bruere, qui assure avoir réalisé un « benchmark de toutes les offres européennes sur le scooter électrique en Europe, fabriqué et vendu en Europe ». Et d’avoir découvert qu’avec « notre offre de vente à l’usage, à moins de 50 euros de loyer mensuel, maintenance comprise, nous étions moins cher de 30 % que les moins chers des chinois, avec des produits équivalents ».
Maintenance préventive
Un des secrets de la réussite de Mob-ion repose aussi sur la maintenance préventive. « Nous avons mis notre expertise en électronique embarquée connectée au service du développement d’un système de maintenance préventive permettant de changer facilement et au bon moment les pièces du scooter exposées à l’usure, explique M. Bruere. Ce système soutient l’augmentation de la durée de vie de nos produits et la mise en place de garanties deux à trois fois plus longues que sur le marché. »
Attachée à l’économie circulaire, Mob-ion ne l’est pas moins face aux enjeux sociaux. La PME a fait appel aux Papillons Blanc en Champagne, une association parentale d’enfants en situation de handicap. La structure qui œuvre pour l’épanouissements des personnes handicapées travaille pour Mob-ion en assemblant certains sous-ensembles de son scooter électrique, tels que les bavettes arrière, le carénage d’optique, et en assurant le démontage-remontage des tubes de fourches, explique Hervé Monard, directeur d’ACA Industrie, une entreprise adaptée située à Reims, et de l’Esat Ateliers de la Forêt, à Pouillon (Marne), membres des Papillons Blancs en Champagne.
Avec ses 1 200 scooters à la location, le fondateur d’Allo Resto cible les clients de la restauration livrée, essentiellement sur Paris, à travers sa société Mob-ion Services. L’offre s’adresse à tous les professionnels, tels que les agents immobiliers, serruriers, coursiers, qui ont besoin d’un moyen de mobilité simple et rapide dans la capitale.
La pérennité programmée, l’ADN de Mob-ion
« La notion de pérennité programmée a émergé lorsque nous avons pris conscience qu’il nous fallait sortir de cette obsolescence programmée issue de l’économie de la consommation linéaire et imaginer une économie fondée sur la fonctionnalité, affirme le fondateur de Mob-ion, un constructeur de scooters électriques, proposés à la location (lire ci-dessus). Grâce au processus de remanufacturation que nous déployons tout au long du cycle de vie de nos produits, nous sommes aujourd’hui capables de concevoir un produit et ses sous-ensembles pour qu’ils soient démontables, remis à neuf réutilisés. Nous pouvons, par conséquent, réutiliser des composants non usés durant plusieurs vies successives et, ce, dans des produits similaires ou différents à condition que cela ait été pensé à la conception. »