L’apprentissage, voie royale en mécanique
Mercredi 12 juillet, au CFAI de Haute-Savoie, c’était l’heure de la remise des diplômes aux alternants en bac pro et BTS. Nous les avons rencontrés, sourire aux lèvres, confiant combien l’apprentissage était un véritable booster pour trouver un emploi dans l’industrie mécanique. Reportage.
C’est une ambiance de fête qui régnait, mercredi 12 juillet, dans le magnifique cadre du château de Saint-Sixt, une bâtisse du XIVe siècle, située près de La Roche-sur-Foron, aux portes de la vallée de l’Arve, en Haute-Savoie. Loin de l’environnement des ateliers de mécanique, les élèves en bac professionnel et BTS du CFAI Formavenir ont reçu leurs diplômes, accompagnés de leurs proches, leurs tuteurs en entreprise et de toute l’équipe pédagogique. A la remise du document tant attendu, l’émotion était perceptible chez les formateurs, fiers des résultats de leurs élèves et attristés de les voir partir. Le président du CFAI, Jean-Claude Bochy, a rappelé, devant une assemblée de jeunes bouillonnants, que l’alternance était une voie royale vers l’industrie. Quant à son nouveau directeur, Renaud Favier, il a souligné, quelques minutes avant la remise des diplômes, que désormais « vous allez être nos meilleurs ambassadeurs, car nous avons besoin d’attirer de nouveaux alternants dans nos centres de formation ».
« La garantie d’avoir un emploi dans la vallée de l’Arve »
Au Centre de formation des apprentis de l’industrie de Thyez, le pôle formation géré par l’UIMM, l’Union des industries et métiers de la métallurgie, ce diplôme représente « une attestation de fin de formation, synonyme du commencement d’un nouveau chapitre ». Chapeau de paille aux couleurs du CFAI sur la tête et diplôme de bac pro technicien d’usinage entre les mains, Alexis Claret s’est dit « content d’être passé par l’apprentissage, car je n’aurais pas appris les mêmes choses par une voie généraliste. Cela me permis de voir concrètement ce qui va m’attendre après mes études ». Son camarade de classe, Mathis Basset confie spontanément que cela fait « quand même du bien de l’avoir ». Pour lui, l’apprentissage permet d’« ouvrir beaucoup de portes. Il ne faut surtout pas sous-estimer l’apprentissage ». Quant à Noah Lepinay, c’est un « soulagement après trois années d’études ». Et d’ajouter que son diplôme était « la garantie d’avoir un emploi dans la vallée de l’Arve, d’autant plus avec une bonne expérience en entreprise grâce à l’apprentissage ».
CFAI, un esprit de famille
Chez les BTS, Hugo Vitali n’a pas non plus caché sa fierté d’avoir obtenu son diplôme de BTS CIM (conception et industrialisation en microtechniques). « On a vraiment bien bossé tous ensemble, dit-il, avec beaucoup d’entraide, notamment de la part des formateurs qui nous poussaient jusqu’au bout et ça c’est vraiment extra. » Et de reconnaître qu’au CFAI, « il y a un esprit très familial. Les formations n’ont pas hésité à faire des heures supp’ pour nous aider. C’est remarquable. Pour en avoir discuté avec des copains qui sont dans des lycées, il n’y a pas autant d’entraide ». Hugo a également pu apprécier « cette liberté d’apprendre. Par exemple, on pouvait rester le soir ». Puis, le BTS CIM a plutôt bonne réputation dans la vallée de la mécanique de précision. « Tout le monde s’arrache les diplômés », sourit Hugo, qui vit avec délectation le plein emploi. « Tout le monde recrute et comme il y a de moins en moins de candidats, c’est une grande chance pour nous. »
CIM, un BTS « très complet »
Son camarade Damien Geneux aborde un large sourire : « Après deux ans de dur labeur, cela fait vraiment plaisir de réussir. C’est un gros soulagement ». Il nous confie que le BTS CIM est « réputé dans le CFAI », justifiant qu’il nécessite « plus de travail à fournir, on finit toujours plus tard que les autres élèves de BTS ». Mais la satisfaction est au rendez-vous : « Le BTS CIM répondait à toutes mes attentes, car il est très complet. On crée, on invente et on réalise, c’est ça qui me plaît. Il nous faire découvrir beaucoup de choses que l’on va retrouver ensuite dans une entreprise industrielle. »
Guillaume Cruz a trente ans. Ce jeune diplômé a repris ses études dix ans après un bac en électrotechnique et une carrière de photographe à l’étranger. De retour en Haute-Savoie, le besoin, tout comme l’envie de travailler dans l’industrie mécanique, le pousse à passer un BTS. Et il a choisi le CIM, « parce qu’il me permettait d’englober beaucoup plus de technologies et de connaître tous les procédés de fabrication ». Désormais, grâce à son diplôme et dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre, il étudie toutes les opportunités d’embauche qui lui sont proposées. Le rêve de tout jeune diplômé.
Les WorldSkills se lancent dans la fabrication additive
Anthony Tassile, lui, a un autre rêve : celui de devenir champion de France en fabrication additive. Pour cela, il a concouru aux sélections régionales des WorldSkills, la compétition mondiale des métiers. Elève de la classe BTS CIM du CFAI Formavenir, il se voit proposer, par son formateur Christophe Maisant, de participer au concours.
Il raconte : « Le lancement des épreuves de fabrication additive est arrivé au dernier moment, car au départ je pensais participer aux WorldSkills dans la catégorie productique industrielle en équipe, seulement voilà il fallait faire aussi de l’électronique et on n’a trouvé personne. J’ai eu la chance de faire mon alternance chez Napa Technologies en R&D prototypage rapide, impression 3D résine et FDM, je me suis dit qu’il y avait là une belle opportunité de concourir en fabrication additive. »
Anthony se souvient de son épreuve régionale, qui se tenait dans son centre de formation, à Thyez, en début d’année. « Quand je suis arrivé, j’avais tout prévu, la caisse à outils, les étaux, les limes pour le post-traitement, vraiment plus qu’il ne fallait. A un moment donné, mon impression a un peu loupé, mais je savais que je pouvais la rattraper en post-traitement, raconte-t-il. Finalement, j’ai gardé l’impression en laissant la machine en route, en me disant que j’allais sans doute perdre quelques points. Au final, j’ai terminé avec une note de 93 sur 100. »
Préparation physique et mentale
Sélectionné pour les finales des WorldSkills, qui se dérouleront du 14 au 16 septembre à Lyon (Machines Production TV consacrera, fin juillet, une émission spéciale sur l’arrivée de la fabrication additive dans les WorldSkills), Anthony est en pleine préparation. « On a la chance d’avoir un coach pour la préparation physique et mentale, confie-t-il. Je suis sponsorisé par F3DF [le centre de formation d’Autodesk], qui paie la formation sur le logiciel CAO Fusion 360, la Région m’aide ainsi que le Rotary Club, ce qui m’a permis de m’équiper d’un PC très performant. »
Passionné par les technologies, notre jeune diplômé possédait déjà une imprimante 3D. Mais il envisage désormais de s’acheter un scanner 3D pour s’entraîner à la rétroconception, en plus des séances d’entraînement qu’il pratique au CFAI sur une imprimante Form 3 de Formlabs, le même modèle qui sera à disposition des compétiteurs à Lyon. « Encore aujourd’hui, j’ai réalisé des pièces en résine chez mon employeur pour m’entraîner », dit-il en montrant au journaliste la pièce sur son smartphone. « Tout l’été, j’ai prévu de faire ma formation sur Fusion 360, poursuit Anthony, son trophée de champion régional entre les mains. Je vais travailler aussi sur l’optimisation topologique, je regarde des vidéos sur YouTube. Je m’entraîne sur chacun des sujets prévus pour les finales de Lyon. »
Des beaux-arts à la micromécanique
Le parcours d’Anthony est atypique. Les souvenirs de voir son grand-père travailler dans son atelier de restauration de meubles le pousse à passer un bac pro microtechniques et un BEP en maintenance des produits et équipements industriels. Finalement, la mécanique le lasse, et il choisit d’entrer à l’école des beaux-arts d’Annecy, « pour retrouver le côté créatif qui me manquait », confie-t-il, avant que le désir de retourner dans la mécanique ne finisse par le tarauder. Ce qui l’emmènera à entrer au CFAI.
Une autre graine de champion est née dans les salles de cours du CFAI de Thyez. Lucas Brunet est finaliste des épreuves régionales de fraisage pour les WorldSkills. Machines Production TV l’avait suivi durant la compétition (revoir notre reportage vidéo). Elève désormais en deuxième année de BTS CIM, lui aussi est en pleine préparation pour la grande finale de septembre. « Je m’entraîne beaucoup sur les machines et les logiciels de FAO. » Lucas se chronomètre, cherche à améliorer son temps. « Je m’entraîne au CFAI, chez mon employeur, chez moi, partout où je peux », affirme-t-il.
« Ça va être deux mois de rush jusqu’aux épreuves »
Sa participation à une telle compétition est motivée par son obsession à toujours se dépasser. « Puis, je veux réussir pour tout ceux qui m’accompagnent et me soutiennent dans ce projet », analyse notre jeune fraiseur, qui ne prendra pas de vacances. « Ça va être deux mois de rush jusqu’aux épreuves. Il y a encore du chemin à parcourir, du travail à abattre jusqu’à la finale. » Son tuteur, chez Nicomatic, a tout de suite vu en Lucas, une personne ayant « des aptitudes certaines sur le maniement des machines et la programmation », témoigne Lilian Camboulives. Régleur sur tours à poupée mobile, il décrit « son » alternant comme quelqu’un d’« un peu impatient », qui « veut tout de suite réussir », alors il a « tendance à s’acharner ». Lilian trouve que Lucas a « une grande capacité de compréhension ». Et d’argumenter : « Il a réussi à maîtriser trois logiciels de CFAO. Celui que nous utilisons dans l’entreprise, mais aussi ceux des partenaires de la compétition des WorldSkills. » Une graine de champion que nous retrouverons en septembre, un podium en ligne de mire.
Raymond Bak, 30 ans de carrière au CFAI
A l’occasion de la remise des diplômes aux alternants en bac pro et BTS du CFAI de Haute-Savoie, mercredi 12 juillet, le directeur du centre de formation vivait la dernière fête des apprentis de sa carrière. « Et oui, déjà trente ans de CFAI, confie-t-il au journaliste de Machines Production. Et comme j’aime le dire en plaisantant, c’était pour moi trente ans de bal musette. » Car Raymond Bak, que nous avions filmé lors d’un reportage pour Machines Production TV (revoir la vidéo), a pris goût à son métier de formateur dans les métiers de l’industrie. « J’ai commencé en tant que formateur en électronique au CFAI, raconte-il. En 1993, il y avait cinq diplômes, 80 apprentis et huit formateurs. Aujourd’hui, le CFAI c’est 350 apprentis et une trentaine de formateurs », se félicite celui qui prendra la direction du centre de formation en 2016.
« Cela m’a permis de vivre de belles rencontres et de belles expériences. On est porté par l’intérêt du métier et par les personnes qu’on peut côtoyer », analyse-t-il. Une chose est sûre, notre jeune retraité quitte le CFAI « ni usé ni aigri, je pars satisfait par tout ce que j’ai vécu ici ». En quittant la profession, Raymond Bak insiste sur le rôle influent des médias à convaincre les jeunes que « l’industrie a besoin d’eux et qu’il y a des métiers en pleine évolution ». Message reçu cinq sur cinq.