Portrait-robot du tissu industriel français
Une étude de Bpifrance, dévoilée fin novembre, permet de dresser un état des lieux des PME et ETI industrielles.
Combien de PME et ETI industrielles françaises sont implantées sur le territoire ? La réponse se trouve dans une étude réalisée par Bpifrance, alors que la France est « depuis quelques années dans une phase de renaissance industrielle, après plusieurs décennies de désindustrialisation », écrit Roland Lescure, ministre délégué chargé de l’Industrie, dans l’édito de ce document de 56 pages, dévoilé fin novembre.
La France compte 25 000 PME et 1 700 ETI (entreprises de taille intermédiaire) dont le chiffre d’affaires moyen par PME est estimé à 7 millions d’euros et 235 millions d’euros par ETI. Côté emploi, la première catégorie d’entreprises industrielles représente 800 000 salariés contre 1,1 million pour la seconde. Ce qui correspondrait à une moyenne de 32 salariés par PME contre 628 par ETI, « sans compter les emplois indirects et induits », précisent les auteurs de l’étude.
Des entreprises fortement exportatrices
L’étude relève également que les PME et ETI industrielles françaises sont fortement exportatrices. En effet, selon le document de la banque publique d’investissement, elles réalisent 32 % de leur chiffre d’affaires à l’export, soit 185 milliards d’euros (33 milliards d’euros pour les PME et 152 milliards d’euros pour les ETI).
Le secteur d’activité lié aux machines et équipements figure dans le top 3 des plus exportateurs, celui de la métallurgie étant au top 4 derrière la chimie et les industries alimentaires. Le secteur des produits métalliques se place en septième position, juste derrière l’automobile.
Peu de brevets sont déposés
Selon le ministre Lescure, il est impératif que ces entreprises investissent « plus fortement dans l’innovation, nécessaire au renforcement du tissu industriel dans les territoires ». A ce jour, 62 % des PME et ETI manufacturières ont innové au cours des trois dernières années. Et 60 % ont commercialisé un nouveau produit ou utilisent un nouveau procédé de production, de commercialisation ou d’organisation, tandis que 30 % ont déposé un brevet, une marque, un modèle ou un dessin. 28 % ont fait les deux à la fois.
Toutefois, les entreprises ne peuvent plus innover seules, constate l’étude. Car « les connaissances à l’origine d’une innovation peuvent provenir aussi bien de sources internes que externes, et les débouchés peuvent s’envisager à l’intérieur comme à l’extérieur des frontières de l’entreprise », peut-on lire.
Toujours sur le plan de l’innovation, l’enquête de Bpifrance montre que 51 % des entreprises interrogées estiment qu’elles sont innovantes, voire très innovantes : 12 % considèrent qu’elles ne sont pas ou peu innovantes, 37 % reconnaissent qu’elles sont moyennement innovantes, 42 % se disent innovantes et 9 % très innovantes.
A comparer avec nos voisins allemands et italiens, le taux d’innovation des entreprises manufacturières tricolores est de 57 % contre 72 % en Allemagne et 67 % en Italie. « Les PME et ETI industrielles françaises déposent peu de brevets et commercialisent peu de nouveaux produits ou procédés », commente Bpifrance, qui regrette que « les PME françaises ne déposent que 20 % du total des dépôts de brevets en France (dépôts principalement dominés par les grandes entreprises) ». Autre constat : seulement 15 % de l’ensemble des PME de plus de 10 salariés (tous secteurs confondus) protègent, pour une période de dix ans, un produit ou une technologie. « C’est deux fois moins qu’en Allemagne », relève la banque publique dirigée par Nicolas Dufourcq.
Faible investissement dans l’outil de production
Aussi, les auteurs de l’étude font savoir que l’innovation de production est bien trop faible, même si la modernisation de leur outil de production est la première préoccupation des dirigeants de PME et ETI industrielles. Sauf que les entreprises industrielles françaises dépensent moins de 2 % de leurs revenus dans leur outil de production. Le document pointe, une fois de plus, que le taux d’investissement dans l’outil de production de 2 % reste en-dessous de celui des Italiens qui est de 4 % et des Allemands, qui est de 3 %. A cela s’ajoute que l’industrie tricolore est « trop peu robotisée comparée aux autres puissances industrielles ».
La solution pourrait venir de l’open innovation : un moyen d’optimiser un processus d’innovation et d’exploiter de nouveaux business models ouverts. Elles ne sont que 32 % à déclarer, lors de l’enquête, avoir eu recours à l’open innovation. Et 60 % d’entre elles se sont associées à des instituts de recherche, 52 % à d’autres PME-ETI, 21 % à des grandes entreprises, et 15 % à des start-up.
Digitalisation, un enjeu stratégique
Autre enjeu de taille, celui de la transition numérique et écologique. Même si les investissements pour développer l’industrie 4.0 et pour décarboner semblent progresser « doucement » dans les rangs des PME et ETI industrielles, elles « n’ont pas encore suffisamment démarré leur transition digitale », regrettent les auteurs de l’étude.
Parmi les dirigeants de PME-ETI manufacturières interrogés, 46 % ont pris le virage de la digitalisation (présence numérique, ERP, supply chain…), 35 % le considèrent comme un enjeu stratégique important et 11 % comme étant prioritaire. Il faut savoir que la digitalisation arrive seulement en septième position sur une liste de huit enjeux proposés.
La transformation vers une industrie 4.0 promet d’être longue, puisque moins de la moitié des PME et ETI industrielles ont démarré cette transition-là. D’autant que plus de 50 % ne réfléchissent pas encore à valoriser leurs données.
Prise de conscience sur l’urgence environnementale
Quant à la transition écologique, l’étude constate qu’il « demeure un décalage entre la prise de conscience d’une nécessité de transition environnementale et la mise en place de plans d’actions ». Toutefois, « la prise de conscience sur l’urgence environnementale est bien présente », nous rassure l’enquête de Bpifrance, puisque plus de 90 % des répondants disent avoir « entamé une réflexion autour de leur transition environnementale ». Seulement voilà, ils ne sont encore que 30 % à avoir enclenché leur plan d’actions en la matière. Les autres se justifiant soit par « un manque de temps » pour 60 % d’entre eux, ou de budget (50 %).
Sur le volet financement, l’étude de Bpifrance dresse un portrait de PME industrielles ayant « un recours massif à l’autofinancement » et utilisant « plus que la moyenne » le prêt bancaire et les aides de l’État. Le document précise que le recours à ces solutions reste limité. Les PME industrielles sont peu enclines à lever des fonds pour financer une innovation. « La R&D des PME est trop souvent autofinancée alors que le risque inhérent à l’innovation devrait être plus partagé avec d’autres financeurs (que ce soit en dette, aides, ou capital) », notent encore les auteurs de l’étude.
Volonté de relocaliser la production
Pour ce qui est de leur implantation, une grande majorité (85 %) de PME et ETI industrielles produisent exclusivement sur le territoire français. Pour le restant, certaines (13,5 %) possèdent à la fois un site en France et à l’étranger, tandis que d’autres (1,5 %) produisent seulement à l’étranger. Leurs partenaires industriels sont majoritairement situés en France, puisque 78 % disent sous-traiter la production d’une innovation dans l’Hexagone.
Le sujet de la relocalisation est d’actualité puisque 46 % des entreprises industrielles affirment avoir des projets à l’étude. « Les relocalisations répondent à des enjeux économiques (éviter les ruptures des chaînes d’approvisionnement, limiter les coûts et les délais de transport et logistiques) ou des enjeux environnementaux et climatiques… mais elles répondent aussi à des convictions des dirigeants qui souhaitent investir dans leurs territoires », analyse Bpifrance, qui s’appuie sur le résultat du sondage, qui montre que 52 % des PME et ETI industrielles qui comptent engager des actions de relocalisation le font par conviction.