Vigoz, la voiture à pédales qui fonce à 120 km/h

A mi-chemin entre la voiture et le vélo couché, ce « vélo-auto » à trois roues, développé en Haute-Savoie, est muni d’un pédalier électronique sans chaîne et d’une batterie offrant une autonomie de 160 km.

Il s’appelle Vigoz, et au sein de la rédaction nous avons du mal à le définir. Est-ce une auto, une moto ou un vélo coiffé d’une cabine ? Ce « véhicule actif », comme le décrit son concepteur, permet de rouler jusqu’à 120 km/h… en pédalant. Utilisant la position « vélo couchée pour un confort de pédalage », il s’agit, toujours d’après la description de son fabricant, d’une « nouvelle génération de véhicules ». Une nouvelle génération dans le sens où ce moyen de transport est électrifié, puisque les voitures à trois roues existent depuis les débuts de l’automobile.

« Considérée par certains comme la première automobile moderne, la Benz Patent-Motorwagen, née en 1886, prenait la forme d’un tricycle. Un choix qui sera également effectué par d’autres pionniers, comme le Français Léon Bollée à la fin du XIX^e siècle », évoque un article paru dans le magazine L’Argus. En France, c’est à Suresnes (Hauts-de-Seine) que l’entreprise Velam, dont l’acronyme signifie « véhicule léger à moteur » fabriquera sous licence, de 1955 à 1958, l’Isetta, une microcitadine italienne à trois roues, dont la carrosserie est en forme de goutte d’eau.

Une soixantaine d’années plus tard, c’est à Poisy, proche d’Annecy, en Haute-Savoie que le Vigoz a été développé sous l’impulsion de quatre associés, aux compétences complémentaires (commerce, design, mécanique, polytechnique), qui, parce qu’ils partagent la même vision sur le transport de demain, ont créé l’entreprise Cixi, dont le nom est emprunté à l’un des personnages principaux de la série de bandes dessinées Lanfeust de Troy.

Sur routes et autoroutes

Nécessitant un permis B, ce véhicule électrique étroit dispose de trois roues (deux à l’avant et une à l’arrière) et peut transporter deux personnes. Surtout, il s’incline automatiquement dans les courbes et l’innovation-phare se trouve dans sa technologie de pédalage.
Homologué pour rouler sur les routes et autoroutes, le Vigoz a été pensé pour être pratique au quotidien, en toutes saisons, grâce à son système d’air conditionné et sa carrosserie protectrice, pouvant emporter des bagages ou un passager.

Avec une autonomie de 160 km, il est équipé d’une batterie rechargeable en six heures depuis une prise 220 V. Mais c’est du côté de son pédalier que l’innovation est la plus spectaculaire. Dénommé PERS, il s’agit d’un pédalier électronique sans chaîne, qui s’appuie sur une technologie de pédale haptique : « Nos algorithmes garantissent réactivité immédiate et résistance du pédalier parfaitement adaptée à la cadence préférée du pilote, en ascension comme sur du plat », décrit Cixi. En fait, explique Pierre Francis, le PDG de Cixi, plus le pilote pédalera vite et fort, plus le moteur délivrera de la puissance. « Par exemple, si vous sélectionnez le niveau trois, cela signifie que le pédalier va multiplier votre effort musculaire par trois, ainsi, vous allez générer 100 watts avec vos muscles, la batterie va rajouter 200 watts et vous aurez 300 watts au moteur. » Le Vigoz est propulsé par un seul moteur électrique, dont la puissance est transmise à partir d’une courroie sur la roue arrière.

Le pédalier électronique sans chaîne, qui s’appuie sur une technologie de pédale haptique, a été conçu par Cixi.

Le dispositif permet de récupérer l’énergie de pédalage pour la transmettre à la propulsion et ainsi de pouvoir rouler même quand la batterie est vide, afin de prolonger son autonomie. L’utilisateur pourra choisir son niveau de puissance : de léger à intense. En fait, c’est la puissance de pédalage qui va déterminer la vitesse du Vigoz, indique son constructeur. Ainsi, avec le PERS, il n’y a plus besoin de passer les vitesses, comme pour une voiture munie d’une boite automatique.

Assemblé en Haute-Savoie

Le pédalier électronique dispose d’un système de freinage régénératif afin de recharger la batterie, avec pour autre avantage de réduire l’usage du freinage mécanique, limitant les besoins d’entretien des plaquettes de frein et la pollution aux particules issues des plaquettes.
Après 7 ans de R&D, Cixi s’apprête à passer à la phase de production et travaille sur l’installation de lignes d’assemblage afin de produire 50 000 à 100 000 pédaliers par an et 2 000 véhicules sur trois ans. « Le déploiement de chaînes d’approvisionnement efficaces et fiables pour ces deux produits sera en effet crucial », analysent les quatre fondateurs Pierre Francis, Nina Omerovic Beccalli, Carlos Arturo Torres et Nicolas Ohlmann.

En lançant ce véhicule, à mi-chemin entre la voiture et le vélo, les fondateurs ont voulu développer une réflexion philosophie sur la notion de bien-être.  « La mobilité active permet à chacun, par la pratique régulière d’une activité physique intégrée à nos activités quotidiennes, de (re)découvrir le bien-être généré par l’effort physique. Si, in fine, nos pilotes transforment la route pour aller au travail en un chemin de développement personnel, Cixi aura réussi sa mission », prônent-ils.

Le modèle économique n’est pas celui des grandes marques de voitures. Lui-même constructeur automobile, Cixi propose une autre approche de la vente. En fait, le Vigoz est uniquement accessible via un abonnement mensuel. « Cixi reste le propriétaire de chaque Vigoz et son utilisateur devient un abonné. Il peut le rendre quand il veut, voire même le sous-louer, affirme Pierre Francis, diplômé de l’EDHEC, une grande école de commerce et de gestion. Bien sûr, cette approche-là a un défaut, parce qu’il nous faut beaucoup d’argent pour mettre en route ce système. C’est-à-dire que finalement nous payons nos clients, dès que nous mettons sur la route notre véhicule. C’est vraiment un engagement fort de la part de l’entreprise. » Et pour que le client s’y retrouve à long terme, Cixi propose, tous les ans, une de remise de 1 % de son abonnement.

Un projet développé avec l’aide de NTN Europe

Le développement du véhicule Vigoz et de son pédalier PERS s’est opéré dans le cadre du programme Innovative Company Accelerator, lancé en 2020 par NTN Europe. Un programme qui permet aux entreprises lauréates non seulement de bénéficier de l’expérience de l’équipementier franco-japonais en matière de conception, de développement et d’industrialisation, mais également d’accéder à son réseau de partenaires pour la commercialisation. Avec en point de mire, aider les entreprises innovantes à passer plus rapidement à la phase de production de leurs solutions.

Le projet de Cixi a été sélectionné en 2022. « L’ambition de ce programme est de faire évoluer le monde en accompagnant des entreprises qui sont elles-mêmes actrices du changement, comme l’est Cixi avec ses solutions de mobilité active », explique Christophe Nicot, directeur recherche, innovation et développement de NTN Europe.

Laboratoire métallurgique

Une collaboration avec le spécialiste des produits de haute précision pour le mouvement qui s’est révélée complémentaire « car nos entreprises travaillent toutes deux sur des produits innovants et NTN Europe a apporté une forte expertise sur les nouvelles utilisations des roulements », admet Nicolas Ohlmann, cofondateur et directeur des nouvelles technologies chez Cixi, qui se souvient que « la motivation de l’équipe de NTN Europe était tout simplement incroyable. Tous se sont montrés vraiment enthousiastes vis-à-vis de nos produits et de notre entreprise. Ça a été une expérience formidable ».

L’équipe de la start-up annécienne Cixi, créée en 2015.

Le roulementier, dont le siège social se trouve à Annecy (le français SNR a été racheté en 2007 par le groupe japonais NTN Corporation), a travaillé avec Cixi sur les engrenages et les matériaux. Les spécialistes de son laboratoire métallurgique ont également pu apporter leur expertise en matière d’étanchéité.

Créée en 2015, la jeune entreprise haut-savoyarde compte désormais 65 salariés, de la R&D à l’assemblage du Vigoz et de son pédalier. « Nous privilégions les fournisseurs français et européens pour les pièces et sous-systèmes que nous ne fabriquons pas nous-mêmes, préviennent les fondateurs. Notre philosophie est de favoriser l’économie locale et de réduire notre impact sur l’environnement grâce aux circuits d’approvisionnement les plus courts. »

Cixi lauréat du dispositif « Première usine »

Le haut-savoyard Cixi figure parmi les douze nouveaux lauréats du dispositif « Première usine », dévoilés le 12 décembre dans le cadre d’un déplacement du président de la République, Emmanuel Macron, chez l’avionneur européen Airbus, à Toulouse (Haute-Garonne). L’entreprise spécialisée dans la mobilité active a été retenue pour son produit PERS, une technologie de pédalage purement électronique permettant de supprimer la nécessité du passage des vitesses et d’introduire le freinage régénératif.

L’appel à projets « Première Usine », opéré pour le compte de l’Etat par Bpifrance, est destiné aux start-ups et PME innovantes porteuses d’un projet ayant une vocation industrielle. Lancé en 2022, ce dispositif permet de faciliter l’industrialisation de productions innovantes et stratégiques sur le territoire français. Il s’inscrit dans la dynamique de reconquête industrielle amorcée par l’Etat avec France 2030.