Voitures électriques : l’épineux problème des batteries après un accident

Parce que le prix de la réparation de leurs batteries est trop élevé, les véhicules à zéro émission accidentés vont directement à la casse, avec pour conséquence de faire grimper les primes d’assurance.

C’est un lièvre que viennent de soulever trois journalistes de l’agence de presse Reuters. Peut-on réutiliser sa voiture électrique après un accident de la route ? En enquêtant sur le sujet, Nick Carey, Paul Lienert et Sarah McFarlane se sont d’abord rendu compte que, pour un grand nombre de ces véhicules à zéro émission, il n’existait aucun moyen de réparer ou d’évaluer les batteries, « même légèrement endommagées », après une collision. Avec pour conséquence directe, celle d’entraîner une hausse des primes d’assurance et donc de réduire les avantages du passage à l’électricité, affirment les journalistes qui ont enquêté à la fois en Europe et aux Etats-Unis. Et d’en conclure que l’assurance de la plupart des voitures à batteries coûtait plus cher que celle des voitures à moteur thermique.

Matthew Avery, directeur de recherche chez Thatcham Research, une société spécialisée dans l’information sur les risques automobiles, le dit sans ambages : « Un véhicule électrique n’est pas très durable s’il faut jeter la batterie après une collision mineure. » En effet, les batteries qui les équipent peuvent coûter jusqu’à 50 % du prix du véhicule, « ce qui rend souvent leur remplacement peu rentable », pointe l’agence de presse britannique. Chez Tesla par exemple, la batterie de remplacement du Model 3 peut valoir jusqu’à 20 000 dollars (18 445 euros), pour un véhicule dont le prix de vente est d’environ 43 000 dollars (39 657 euros), mais qui se déprécie rapidement au fil du temps.

Quand les batteries font partie de la structure de la voiture

Andy Keane, responsable des produits pour les véhicules utilitaires au Royaume-Uni chez l’assureur français AXA, a déclaré aux journalistes de Reuters que le coût élevé des batteries de rechange « peut parfois rendre le remplacement d’une batterie irréalisable ». Lorsque les journalistes ont cherché à savoir s’il y avait beaucoup de véhicules électriques dans les casses outre-Atlantique et sur le Vieux Continent, ils découvrent « une grande proportion » de Teslas à faible kilométrage, mais aussi des modèles de Nissan, Hyundai, Stellantis, BMW, Renault, entre autres.

Chez Tesla, afin de réduire les coûts de production, les batteries font partie de la structure du véhicule, mais avec « le risque de répercuter ces coûts sur les consommateurs et les assureurs », pointe l’enquête Reuters, tandis que Ford et GM assurent que leurs « nouveaux packs » sont plus faciles à réparer.

« Le traitement des batteries est un point crucial »

Mais les journalistes rapportent que les primes d’assurance devraient continuer d’augmenter à mesure que les ventes de véhicules électriques se développeront et que de plus en plus de voitures à faible kilométrage seront mises à la casse après des collisions, selon l’avis d’assureurs et d’experts de l’industrie automobile interrogés.

« Le nombre de cas va augmenter, c’est pourquoi le traitement des batteries est un point crucial », avertit Christoph Lauterwasser, directeur général de l’Allianz Center for Technology, un institut de recherche appartenant à Allianz, cité dans l’enquête Reuters. M. Lauterwasser confie son analyse à Reuters, en soulevant le fait que les véhicules électriques devront être utilisés sur des milliers de kilomètres pour arriver à compenser les émissions de CO2 émises pour la production de leurs batteries, parce qu’elle émet finalement beaucoup plus de CO2 que les modèles à combustible fossile. Alors « si vous vous débarrassez du véhicule à un stade précoce, vous perdez pratiquement tout avantage en termes d’émissions de CO2 », conclut le directeur de l’Allianz Center for Technology.

Accéder aux données des batteries

Si, au cours de l’enquête des trois journalistes, la plupart des constructeurs automobiles ont déclaré que leurs batteries étaient réparables, peu d’entre eux semblaient disposés à partager l’accès aux données relatives à leurs batteries. « Les assureurs, les sociétés de crédit-bail et les ateliers de réparation automobile se battent déjà avec les constructeurs automobiles dans l’UE pour l’accès aux données des batteries de voitures électriques », écrivent Nick Carey, Paul Lienert et Sarah McFarlane. Pour M. Lauterwasser, l’accès aux données sur les batteries fait partie de ce combat. Et de citer que l’assureur avait vu des « batteries rayées », mais dont « les cellules n’étaient probablement pas endommagées ».
Et de souligner qu’en « l’absence de données de diagnostic », l’assureur a dû radier ces véhicules. En janvier, Elon Musk avait déclaré que Tesla avait apporté des modifications à la conception et aux logiciels de ses véhicules, afin de réduire les coûts de réparation et les primes d’assurance.

Une norme européenne pour faciliter la réparation des batteries

Toutefois, assureurs comme experts du secteur automobile reconnaissent que les voitures à zéro émission, parce qu’elles sont toutes équipées de dispositifs de sécurité les plus récents, ont jusqu’à présent eu moins d’accidents que les voitures traditionnelles.

Récemment adoptée, la réglementation européenne sur les batteries ne traite pas spécifiquement de leur réparation, mais elle demande à la Commission européenne d’encourager les normes visant à « faciliter l’entretien, la réparation et la réutilisation »,
a déclaré, auprès de Reuters, une source à Bruxelles. De leur côté, les assureurs suggèrent aux constructeurs de voitures électriques de fabriquer des batteries en sections plus petites, ou en modules, qui seront plus faciles à réparer. La solution est peut-être là.