Nous recevons comme invités trois experts de chez Dassault Systèmes, éditeur du logiciel SolidWorks :

Kamel Ait Mokhtar, directeur du marketing Eurowest SolidWorks,

Jean-Marc Follin, directeur commercial pour l’Europe de l’Ouest

Morvan Bégasse, directeur du Business Development.

Sur notre plateau de Boulogne-Billancourt, ils évoquent :

– L’évolution de la conception industrielle

– L’intégration des enjeux environnementaux

– Le rôle de l’intelligence artificielle

– La transition entre conception et fabrication

– L’essor du jumeau numérique

Racontez-nous l’évolution de la conception industrielle, de la planche à dessin à l’arrivée des premiers logiciels ?

Kamel Ait Mokhtar : L’histoire de la conception a connu une transformation radicale. À l’origine, tout était fait à la main sur de grandes planches à dessin, ce qui était précis, mais extrêmement chronophage. Dans les années 1960, la CAO [conception assistée par ordinateur] a fait son apparition, notamment dans l’aéronautique, permettant un gain en précision et en flexibilité.

Dans les années 1980, les premiers logiciels, comme Catia, ont démocratisé l’accès à la CAO. Mais c’est en 1995 qu’un tournant majeur s’est opéré avec l’apparition de SolidWorks, un logiciel de modélisation 3D paramétrique. Il a permis aux ingénieurs de modifier un élément et d’adapter automatiquement toutes les pièces associées, simplifiant ainsi la conception.

Depuis, l’évolution continue avec le cloud, qui facilite la collaboration à distance, et l’intelligence artificielle, qui ouvre de nouvelles perspectives en matière de conception.

Aujourd’hui, la prise en compte de l’environnement est un enjeu majeur. Comment intègre-t-on ces préoccupations dès la phase de conception ?

Morvan Bégasse : C’est une nécessité absolue. Les consommateurs sont de plus en plus sensibles aux enjeux environnementaux et poussent les industriels à prendre en compte l’impact de leurs produits dès la conception. Pourquoi agir tôt ? Parce qu’une modification réalisée en fin de processus coûte beaucoup plus cher qu’une adaptation anticipée. Modifier une matière, un procédé ou une chaîne logistique en amont permet d’optimiser les coûts tout en réduisant l’impact environnemental. L’écoconception est donc à la fois un enjeu écologique et économique.

L’intelligence artificielle peut-elle intervenir dès la phase de conception ? Et surtout, peut-elle remplacer l’idée ?

Jean-Marc Follin : L’IA bouleverse notre manière de concevoir. Elle repousse les limites, challenge les idées et permet d’explorer de nouvelles voies dès les premières phases de conception. Nous avons récemment intégré l’IA dans nos solutions pour associer modélisation, simulation et optimisation des designs. Par exemple, l’intelligence artificielle peut aider à réutiliser des composants existants en identifiant les meilleures pièces dans une base de données, ce qui réduit les coûts et l’impact environnemental.

Mais peut-elle remplacer l’idée ?

Pas encore. Aujourd’hui, l’IA accompagne les ingénieurs en validant leurs choix et en optimisant les conceptions, mais la créativité humaine reste essentielle.

Passer du design à la fabrication nécessite une coordination entre les équipes. Quels outils facilitent cette transition ?

K. A. M. : Concevoir un produit, c’est bien. Le fabriquer, c’est mieux. La clé, c’est la collaboration entre les équipes. Nous avons développé la plateforme 3Dexperience, qui permet aux ingénieurs, aux équipes marketing et aux autres parties prenantes de travailler en temps réel sur un même projet, où qu’ils soient. Autrefois réservée aux grands groupes, cette solution est aujourd’hui accessible aux PME grâce au cloud.

En parallèle, des outils comme PDM permettent de gérer et centraliser les données de conception, évitant ainsi les erreurs et pertes de temps liées aux multiples versions d’un même projet.

La conception et la fabrication sont-elles gérées de manière séquentielle ou en parallèle ?

M. B. : Un peu des deux. Certaines étapes doivent être suivies dans un ordre précis, mais grâce aux outils numériques, de nombreuses tâches peuvent être réalisées en parallèle. La tendance est à la production en petites séries adaptées aux évolutions rapides du marché et aux attentes des clients. Le jumeau numérique joue ici un rôle clé : il permet de simuler et d’optimiser le cycle de vie d’un produit, tout en accélérant la conception et en réduisant les coûts.

Expliquez-nous le rôle du jumeau numérique et pourquoi il est devenu incontournable ?

J.-M. F. : À l’ère de l’économie numérique, les entreprises doivent évoluer du simple produit vers une véritable expérience client. Le jumeau numérique permet de simuler un produit dans un environnement virtuel, d’anticiper ses performances et même de le tester auprès des consommateurs avant sa fabrication. Côté industriel, c’est une révolution : une entreprise peut commercialiser un produit avant même d’avoir usiné le moindre composant. Elle peut tester le marché, lever des fonds via le crowdfunding et affiner son offre en fonction des retours des utilisateurs. C’est une avancée majeure pour la conception et l’innovation.