Tomographe : Comment l'utiliser et l'adopter ?

Dans cette 27e édition de MPLE, nous explorons une technologie de pointe : la mesure 3D par rayons X. Toutefois, si un tomographe est capable de réaliser des mesures dimensionnelles, peut-il pour autant remplacer justement les machines à mesurer tridimensionnelles que l’on rencontre en grande majorité dans les entreprises de mécanique ? Trois experts en la matière y répondront.
L’utilisation du rayons X peut susciter quelques inquiétudes. L’opérateur peut-il rester à proximité d’un tomographe en fonctionnement ? Doit-il être installé dans une salle spécifique ? Et enfin, son installation est-elle soumise à une déclaration auprès d’un organisme ? Des utilisateurs de tomographes témoigneront dans cette émission.
Surtout, nous répondrons à toutes les questions que vous vous posez sur l’acquisition d’un tomographe, afin de vous aider à faire les meilleurs choix.
Enfin, nous vous emmènerons également dans un laboratoire spécialisé en tomographie pour en savoir plus sur cette technologie fascinante, qui vous permettra de vous familiariser avec ce procédé, voire même pour lui confier vos pièces pour des contrôles spécifiques.

C’est à découvrir dans “Machines Production L’Émission”.

Portfolio

Décryptage

Nous recevons comme invités :

Thomas Beuvier, responsable des prestations par tomographie chez Zeiss
Ianis Prost, responsable de la métrologie pour le groupe Lindal
Mohamed El Mansori, directeur du laboratoire de recherche Mécanique Surface Matériaux et Procédés (MSMP) de l’Ecole nationale supérieure des Arts et Métiers

Sur notre plateau de Boulogne-Billancourt, ils évoquent :

    • Les spécificités de la mesure par rayons X
    • Les différents types de mesure possibles
    • La comparaison entre un tomographe et une MMT
    • Les conditions pour installer un tomographe dans son entreprise
    • Les posages qu’il est nécessaire d’utiliser
    • Les réglementations qui encadrent son utilisation
    • La formation des opérateurs et métrologues
    • La consommation d’énergie et les temps de cycle

 

En quoi consiste la tomographie ?

Thomas Beuvier. La tomographie par rayons X a été inventée dans les années 1970 avec les scanners médicaux. Et puis elle s’est diversifiée dans les années 1980 en étendant son domaine d’application aux pièces industrielles. C’est une technique non destructive qui permet, à partir d’une succession d’images radiographiques, de reconstruire un objet en trois dimensions.

Que peut-on mesurer justement avec un tomographe ?

On peut mesurer les formes et les dimensions portées sur un dessin technique, mais aussi voir tout ce qui se passe à l’intérieur de la pièce, aussi bien les inclusions que les défauts de type porosité comme les retassures ou les soufflures.

Ianis et Mohammed, que mesurez-vous avec votre tomographe ?

Ianis Prost. On l’utilise essentiellement pour nos pièces de développement. Cela nous permet de voir les déformations des pièces et d’accélérer la phase de conception. On l’utilise aussi pour les anciennes pièces sur lesquelles on n’a pas de modèle 3D. Pour observer la géométrie globale des pièces.

Mohamed El Mansori. Nous sommes un laboratoire de recherche public et nous travaillons sur différents matériaux avec différents procédés d’élaboration. Le panel est donc très large. On peut aller chercher le contrôle de défauts, dans le cadre de la fonderie de pièces ou dans l’élaboration des structures composites fibre carbone, fibre de verre. Par exemple, on va chercher les défauts d’interface fibro-matrice.

Un tomographe peut-il remplacer une machine à mesurer tridimensionnelle ou ces deux technologies sont complémentaires ?

T. B. Pour la mesure dimensionnelle, ces deux techniques sont complémentaires. Là où la tomographie peut se distinguer, c’est vraiment dans la mesure de cotes difficiles d’accès, mais aussi pour la rétroconception ou la recherche de porosité.

Chez Lindal, vous travaillez aussi avec ces deux moyens de mesure ?

I. P. Le tomographe n’a pas vocation à remplacer nos moyens de mesure traditionnels en production pour du contrôle fonctionnel ou de la mesure tridimensionnelle. Mais ça va apporter un plus sur certains aspects. Cela permet aussi de superposer la pièce scannée par rapport au modèle 3D ou par rapport à une pièce de référence qu’on juge non conforme. Donc cela permet d’aller au-delà des spécifications qu’on a au plan et de voir vraiment la géométrie globale qu’on a sur la pièce.

Quel logiciel est-il nécessaire d’utiliser avec son tomographe ?

T. B. A chaque tomographe, il faut son logiciel d’analyse pour pouvoir ouvrir les données issues du tomographe. Et analyser soit le dimensionnement, soit les différents défauts qu’on peut rencontrer à l’intérieur d’une pièce. Notre logiciel Zeiss Inspect X-Ray permet justement de répondre à ce besoin.

Comment votre logiciel utilise-t-il l’intelligence artificielle ?

T. B. Zeiss développe ses propres solutions d’intelligence artificielle directement intégrées dans le logiciel Zeiss Inspect X-Ray. Cela va de la détection améliorée de porosité à des applications plus spécifiques, comme par exemple la mesure de l’overhand dans les batteries, c’est-à-dire de l’agencement entre l’anode et la cathode.

Comment s’est déroulée l’installation de votre tomographe ?

I. P. En raison de l’encombrement de la machine et de son poids, environ cinq tonnes, on a dû enlever les baies vitrées, refaire un petit peu l’avancée pour l’installer dans la salle de tomographie. Mais tout s’est passé comme prévu.

M. El M. Une fois notre tomographe installé dans le bâtiment dédié, nous avons réalisé des tests de réception avec les équipes de Zeiss afin de vérifier la compatibilité par rapport au cahier des charges. Etant un établissement public, donc avec un marché public pour l’acquisition de la machine, nous nous devions de respecter certaines règles.

Comment avez-vous formé votre personnel à l’utilisation du tomographe ?

I. P. Chez Lindal, cela s’est fait en trois étapes. La première, dans les locaux de Zeiss à Neuville-sur-Oise pour l’utilisation du tomographe. Il y a eu une deuxième formation d’une semaine qui a été réalisée sur les logiciels d’analyse, à Oberkochen, en Allemagne, au siège de Zeiss. Et dans un troisième temps, après quelques semaines d’utilisation, nous avons suivi une deuxième session sur le tomographe, en formation approfondie sur nos applications et des utilisations plus spécifiques à nos pièces.

M. El M. Comme nous sommes davantage un partenaire académique, avec un rôle de formation aussi, nous avons été bien accompagnés par Zeiss. D’ailleurs, nous avons commencé la formation chez Zeiss avant même de recevoir la machine. Une autre formation a été suivie dans le cadre de la réception technique du tomographe.

L’usage d’un appareil à rayons X peut susciter quelques inquiétudes. L’opérateur peut-il rester à proximité d’un tomographe en fonctionnement ?

T. B. Tous nos tomographes possèdent une cabine en plomb qui stoppe les rayons X. L’utilisateur est considéré comme un travailleur non exposé et donc il peut circuler en toute liberté autour du tomographe. Au regard de la loi, il y a plusieurs obligations à respecter. Il y en a quatre au total. La première, c’est avoir l’autorisation auprès de l’ASNR, donc l’Autorité de sûreté nucléaire et radioprotection, qui autorise la possession d’un tel appareil. Il faut avoir un certificat propre à l’appareil, selon la norme NF C74-100. Aussi, il faut avoir le rapport technique initial, en lien avec la norme NF C1560. Et enfin, il faut réaliser un contrôle régulier périodique, tous les ans, pour vérifier qu’au niveau radioprotection, il n’y ait pas de fuites de rayons X.

I. P. Chez Lindal, on a quand même fait le choix de restreindre l’accès à la salle de tomographie, même si, comme l’a dit Thomas, la zone de surveillance est uniquement à l’intérieur de la machine. On a mis de la dosimétrie d’ambiance afin de s’assurer qu’il n’y ait aucune fuite de rayonnement. Aussi, nous avons demandé à Zeiss, lors de chaque maintenance, tous les quatre mois, de faire une vérification sur les fuites de rayonnement. Ce sont des procédures qui ont été mises en place dans le but de rassurer tout le monde.

Que peut-on dire en matière de consommation d’énergie et de temps de cycle d’un tomographe par rapport à une machine à mesurer tridimensionnelle ?

T. B. La consommation d’énergie d’une telle machine est autour des 3 kW, répartis de la manière suivante : 1,5 kW pour le tomographe et 1,5 kW pour le PC qui pilote la machine. Donc il n’y a pas une consommation si importante que ça. Quant aux temps de cycle, ils peuvent être très variables suivant la pièce et la résolution qu’on veut scanner. Donc ça peut être des temps de cycle de plusieurs heures si on veut de la haute résolution à quelques secondes si on veut dégrossir rapidement.

M. El M. Les temps de cycle de production, cela va dépendre en fait de l’application et de la taille des pièces réalisables. Par exemple, quand on est sur des applications structurales, la taille de la pièce réalisable peut aller jusqu’à 2 m de longueur. La limitation vient de la capacité de la machine à résister à la pression appliquée sur la surface projetée de l’empreinte. Le métal liquide est cependant propulsé dans l’empreinte du moule sous forme pulvérisée, d’où la genèse des défauts de porosités. Dans la plateforme fonderie sous pression du MSMP-EA7354 à Châlons-en-Champagne, on a le tomographe Zeiss afin de contrôler ce taux de porosité et d’autres défauts éventuels. Pour réduire voire supprimer le taux de porosité, on augmente la pression d’injection. Ce qu’utilise effectivement Tesla pour injecter des grandes pièces structurales et éviter effectivement ces porosités qui vont réduire les propriétés mécaniques.

Quels supports faut-il utiliser dans son tomographe ?

T. B. Le but d’un bon posage, c’est qu’il absorbe le moins possible de rayons X pour que l’image reconstruite sur l’ordinateur soit celle de la pièce uniquement et pas de la pièce avec son usage. Et typiquement, on utilise des mousses soit en polystyrène, soit en polyuréthane, ou alors un posage en plastique. Mais il faut que le posage soit plus léger que la pièce qu’on souhaite analyser.

I. P. Nous utilisons comme support de la mousse polyuréthane que nous réalisons nous-mêmes. Sinon, on a travaillé avec Zeiss pour développer des montages plus spécifiques, plus robustes, en mousse polyuréthane aussi, pouvant être usiné, de manière à pouvoir empiler un maximum de pièces.

Reportage

Notre reportage nous amène à Sablé-sur-Sarthe, dans l’un des cinq laboratoires de métrologie du groupe Zeiss. Il s’agit du centre historique des prestations de métrologie sur pièces industrielles. Pour ses 20 ans d’existence, le site a fait peau neuve avec une surface totale de 700 mètres carrés équipés des dernières technologies Zeiss.

T. B. Nous offrons à nos clients la possibilité de faire des démonstrations directement sur leurs pièces et également de les former soit en métrologie 3D via des formations Coffmet, soit sur nos propres logiciels de mesure. Le centre dispose d’un bureau d’études permettant de réaliser du dessin, jusqu’à la fabrication, mais aussi des solutions de posage et des gabarits de contrôle en bord de ligne.

Si le laboratoire sarthois propose des prestations sur des machines à mesurer tridimensionnelles, sur des scanners optiques, il est aussi spécialisé dans la tomographie à rayons X. Pour réaliser une prestation par tomographie, les industriels ou les chercheurs doivent contacter le centre afin d’échanger sur leurs problématiques. T. B. Suite à l’analyse du besoin, ils nous envoient leurs pièces à inspecter ou se déplacent pour que nous fassions ensemble leurs mesures. Une fois les scans terminés, le client reçoit ses données sous forme de rapports de métrologie, de fichiers 3D ou de vidéo. Nous terminons par une phase de discussion pour s’assurer de la pertinence et de la bonne compréhension des résultats.

Intervenants

Portfolio

Thomas BEUVIER

Responsable prestations tomographie

Zeiss

Portfolio

Ianis PROST

Responsable métrologie

Groupe Lindal

Portfolio

Mohamed EL MANSORI

Directeur de laboratoire

MSMP-Arts et Métiers

Portfolio

Jérôme Meyrand

Machines Production

Rédacteur en Chef

Portfolio

Patrick Cazier

Machines Production

Rédacteur