Nous recevons trois invités :
Camille Pasquelin, directrice du Syndicat national du décolletage
Alain Appertet, président du Syndicat national du décolletage et PDG de Sunap Décolletage
Stéphane Maniglier, délégué régional du Centre technique des industries mécaniques (Cetim)
Sur notre plateau, ils évoquent :
- La stratégie industrielle de la filière du décolletage
- L’accompagnement du SNDEC pour aider les décolleteurs à diversifier leurs marchés
- Les réponses technologiques face aux nouveaux enjeux de l’industrie
- Les innovations applicables dès aujourd’hui et celles de demain
« Une crise qui est sans précédent. » C’est le constat que dresse le président du Syndicat national du décolletage (SNDEC), en préambule de cette nouvelle émission de Machines Production, enregistrée exceptionnellement dans les ateliers du Cetim, au cœur du bâtiment ID Center, à Cluses (Haute-Savoie). Alain Appetet, lui-même décolleteur à Ayze, rappelle que le décolletage « en a traversé des crises ». Sauf que celle-ci, « elle est multifactorielle ». C’est-à-dire qu’elle est à la fois structurelle, conjoncturelle et environnementale. « Mais elle offre également des multiples opportunités », veut croire le président du SNDEC, dont le siège se trouve également abrité dans les nouveaux bâtiments d’ID Center, le technocentre du décolletage, inauguré en 2020.
« La diversification, c’est le maître mot aujourd’hui »
Lors de son intervention sur le plateau de MPLE, Alain Appertet souligne que les enjeux pour la profession sont considérables, puisque dans un contexte d’une baisse d’activité, dans l’automobile principalement, et de « coûts de l’énergie qui explosent », « quand bien même on aurait des commandes », le plus paradoxale est désormais de « ne pas pouvoir fabriquer les composants, les pièces commandées, puisqu’on n’a pas la matière ».
Une stratégie de diversification, « c’est le maître-mot aujourd’hui », souligne le porte-parole des décolleteurs, afin de devenir « moins dépendant d’un marché dominant ». Et en ligne de mire : les sous-traitants de l’automobile.
« On le voit bien avec la baisse des ventes de véhicules. La décarbonation engagée. On ne sait pas trop à quelle échéance on va changer de modèle de transport. Donc on a effectivement une dépendance qui impacte fortement les ateliers », constate Alain Appertet.
« Chasser en meute »
Mais comment mettre en œuvre cette stratégie ? « Il faut prendre son temps », répond le président du SNDEC. Pour lui, c’est très important de bien se préparer, de choisir ses marchés et ses zones de prospection. Et puis, il ne faut surtout pas faire cavalier seul, il faut aller chercher ces marchés de demain, sous la forme d’une « chasse en meute organisée ». Et pour impulser cette stratégie, le Syndicat national du décolletage dispose de plusieurs cordes à son arc.
Sa directrice rappelle que le syndicat a travaillé, dès 2020, avec des partenaires et des acteurs économiques, et directement avec la DGE (Direction générale des entreprises) pour « élaborer un plan d’actions dédié aux besoins spécifiques des entreprises de décolletage ». Il s’agit d’aider les entreprises à « enclencher leurs processus de mutation » et surtout à « élaborer leur stratégie de développement », explique Camille Pasquelin, pour des entreprises dont le modèle de fonctionnement reste celui de sous-traitants sur plan. Sauf que désormais, « cette réflexion stratégique, qui n’a pas forcément été menée dans les entreprises, est devenue essentielle ».
« Socle d’accompagnement »
C’est la raison pour laquelle, le SNDEC se propose de fournir, de « rendre accessibles des données marché et également des outils marketing » à l’ensemble des TPE et PME de la profession du décolletage. L’autre action du syndicat patronal est de leur offrir un « socle d’accompagnement » en mettant en place, avec l’appui de Bpifrance, un « accélérateur » pour la diversification des entreprises de la vallée de l’Arve, qui va « permettre d’accompagner les entreprises dans l’atteinte de leurs objectifs de performance et de croissance. C’est articulé autour de trois modules : conseil, formation et mise en relation », détaille, sur le plateau de cette 13e émission de Machines Production, Camille Pasquelin.
Il s’agit, pour le SNDEC, d’un véritable « enjeu d’évolution » dans la chaîne de valeur des sous-traitants décolleteurs dépendants de la filière de l’automobile.
L’organisation professionnelle veut accompagner les entreprises intégrées dans cette filière en pleine mutation, par la « construction de grappes fournisseurs » pilotée par Thésame (un centre d’expertise en technologie numérique, robotique, mécatronique et innovation organisationnelle), et qui a pour objectif de « créer autour d’un grand compte ou d’un donneur d’ordres, un collectif de fournisseurs » et mettre en place des « démarches collaboratives et de codéveloppement entre les fournisseurs et le client final ».
La fin des grandes séries ?
Financé dans le cadre du plan de développement international de la région Auvergne Rhône-Alpes, le programme Nexin, animé par le SNDEC, permet à des groupes d’entreprises de « se rassembler autour d’une thématique de chasse en meute et de prospection sur un secteur particulier à l’international ».
Nexin accompagne un groupe « automobile et mobilités douces », et un autre sur l’aéronautique et l’usinage de haute précision. Mais d’autres marchés sont visés, comme celui du médical (avec des actions de prospection à l’international), mais également le marché du luxe et du ferroviaire.
Le SNDEC n’oublie pas pour autant un autre enjeu crucial pour la profession, celui des compétences, et de leur diversification, en raison des nouvelles technologies qui s’imposent de plus en plus dans les ateliers de décolletage. Et de défendre l’idée que l’évolution des typologies de pièces qui seront décolletées dans le futur va induire sur le transfert technologique, et exigera des process, non plus basés sur de grandes séries de pièces, mais plutôt qui vont tendre vers des moyennes, voire des petites séries.
Pour cela, l’organisation membre de la FIM (Fédération des industries mécaniques) s’appuie sur le savoir-faire du Cetim. « Ces évolutions de demandes de types de pièces, aussi bien en termes de process de production que de matériaux également demandent donc des transferts technologiques accélérés et en tout cas optimisés et accessibles à toutes les entreprises de la profession », assure la directrice du SNDEC.
A Cluses, au Centre technique des industries mécaniques, on prône pour le maintien de compétences dans les ateliers de décolletage. « Une action sur laquelle on s’est beaucoup engagé par les actions de transfert de techno, de formation, l’accompagnement des entreprises et des salariés vers la transformation. Il faut être capable de maintenir ce niveau de compétences pour pouvoir répondre aux évolutions des besoins », considère Stéphane Maniglier, délégué régional du Cetim.