Nous recevons deux invités :
Olivier Sciascia, ingénieur consultant chez S.C.I.A
Bérenger Alexandre, cofondateur d’Alpin Components
Sur notre plateau de Boulogne-Billancourt, ils évoquent :
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- La production de vélos en France
- Le retour en grâce du vélo après la crise Covid
- La fabrication des composants mécaniques
- La rivalité avec les entreprises asiatiques
- La difficulté de fabriquer des cadres en France
- Le rôle clé de l’innovation dans les produits et process
Quel est le nombre de vélos produits chaque année en France ?
Olivier Sciascia. A peu près un peu plus de deux millions et demi de vélos sont vendus sur le territoire français, toutes filières confondues. Sachant que, dans ces deux millions et demi et un peu plus, on a, à peu près, un tiers d’électrique tout type confondu également, et on a aussi à peu près un tiers qui sont produits en France, mais je vais mettre beaucoup de guillemets autour de cela, parce qu’ils sont surtout assemblés sur le territoire français.
Que représente le marché du cycle en France ?
O. S. Entre 250 et 300 fabricants, avec de grands acteurs comme Decathlon, Intersport et leurs filiales, qui sont des fabricants français de vélos ou au moins des concepteurs. Parce que, en fait, un fabricant de vélo, c’est d’abord un concepteur, souvent passionné, qui s’est adapté aux nouveaux usages du cycle. Un concepteur, voire un importateur. Assemblier est le principal métier des fabricants de vélos en France, allant de la start-up à la PME. On rencontre aussi une kyrielle d’artisans ou de start-up qui démarrent, avec, pour les plus petits acteurs, la production d’une centaine de vélos par an, des fois beaucoup moins, jusqu’à quelques milliers de vélos, mais qui n’ont pas encore atteint un stade d’industrialisation de leur produit, qui reste plutôt dans le segment du haut de gamme.
La crise sanitaire liée au Covid-19 a-t-elle redynamisé la filière en France ?
O. S. La filière a d’abord été déstabilisée, parce qu’il y a eu une coupure instantanée des importations asiatiques, qui a mis en difficulté un grand nombre de fabricants de vélos. Il y a eu des dépôts de bilan, des rachats, par le simple fait que la trésorerie, quand on fabrique des vélos, et que l’on doit commander des composants en Asie et les payer à l’avance, ça peut tuer une activité, et ça en a tué pendant la période Covid.
Avez-vous ressenti une croissance du marché après la crise sanitaire ?
Bérenger Alexandre. Il y a eu un boom au niveau du marché du vélo, avec une très forte demande. Les consommateurs ont éprouvé le besoin de pouvoir pratiquer le vélo, notamment en raison des problématiques, liées à des risques sanitaires, dans les transports en commun. Puis, il y a eu l’arrivée des beaux jours. Bref, il y a eu tout un faisceau de choses qui ont permis de booster le marché. Alors, nous avons observé une grosse tension sur le marché, avec la volonté d’accélérer les ventes afin de pouvoir combler cette demande qui était très forte. On a pris conscience qu’il fallait peut-être reproduire en local des composants afin de répondre plus rapidement à la demande et fiabiliser l’approvisionnement pour l’assemblage des vélos, en zone euro et en France. C’est dans cette perspective que nous avons décidé de créer Alpin Components, en novembre 2022, afin d’accompagner des projets en France et en Europe, avec des composants fabriqués ici en vallée de l’Arve [Haute-Savoie].
Alpin Components est d’abord spécialisée dans l’ingénierie et l’expertise industrielle en composants du cycle. Mais où fabriquez-vous vos produits ?
B. A. Nous avons la chance d’être accompagné par l’entreprise Décolletage des Grands Clos, à Magland. Il s’agit d’une PME d’à peu près 10 millions de chiffre d’affaires, qui possède plusieurs usines et qui nous accompagne dans l’industrialisation de nos produits que nous fournissions aux fabricants et assembleurs de vélos.
Quelles sont les entreprises qui dominent le marché des composants mécaniques en France ?
O. S. Sur le plan des composants, nous rencontrons des équipementiers et des sous-traitants. Chez les équipementiers, il s’agit de pièces ayant des fonctions, telles que le freinage et l’élément moteur pour un grand nombre d’acteurs mondiaux essentiellement asiatiques, qui dominent le marché. Dans le domaine de la sous-traitance, on va trouver des composants du même type que fabrique Alpin Components, qui sont une véritable niche et sur lesquels nous avons un savoir-faire important en France, et où notre part de marché dans la sous-traitance n’est pas négligeable, mais avec des volumes qui sont extrêmement faibles, bien que des sous-traitants asiatiques soient également hyperactifs.
Comment la filière du cycle en France doit-elle s’organiser pour être davantage performante face à la concurrence asiatique ?
O. S. Le marché se divise en deux parties. Le marché du vélo haut de gamme, voire très haut de gamme, que nous maîtrisons parfaitement en France, avec une frange de clientèle qui est capable de mettre plus de 5 000 euros dans un vélo. L’autre marché est celui de la mobilité verte, avec un vélo autour de 2 000 euros.