Nous recevons deux invités :
Cyril Aujard, président du Coffmet, le Comité français pour la formation à la mesure tridimensionnelle
Nicolas Parascandolo, délégué général adjoint d’Evolis, l’organisation professionnelle des créateurs de solutions industrielles
Sur notre plateau, ils évoquent :
- Les métiers en tension
- Les causes de la pénurie de main-d’œuvre
- Le rapport des jeunes au monde du travail
- Les solutions pour pallier aux difficultés d’embauche
Dans le top cinq de l’UIMM des métiers les plus recherchés dans l’industrie, en 2020, on trouvait notamment le métier de régleur, chaudronnier et celui d’ingénieur. Pour Nicolas Parascandolo, l’industrie mécanicienne est confrontée à deux grands enjeux : « D’un côté, c’est une activité très traditionnelle, avec des métiers historiques, comme celui de soudeur, d’ajusteur. Et tous les techniciens qui travaillent au pied des machines dont les compétences s’acquièrent avec le temps, l’expérience et la transmission. Et d’un autre côté, notre industrie est aussi en pleine phase de transformation avec des innovations. Donc on parle beaucoup de l’industrie du futur. On l’appelle aussi dans d’autres pays, en Allemagne par exemple, l’industrie 4.0. Des innovations qui apportent aussi de nouvelles compétences, et de nouvelles obligations. Un millefeuille technologique qui va s’élargir avec du digital, des nouvelles technologies comme la fabrication additive, de l’automatisation qui devient de plus en plus présente. »
Ainsi, pour le délégué général adjoint d’Evolis, l’industrie mécanique doit à la fois continuer de faire valoir et de porter ces métiers « traditionnels » où il est difficile de trouver des candidats et s’ouvrir sur des nouvelles compétences. « Le paradigme est un peu compliqué. D’où la présence de ces métiers en tension qui est de plus en plus qui pèse dans cette industrie mécanisée », décrypte Nicolas Parascandolo.
C’est dans le domaine de la métrologie tridimensionnelle que les besoins sont les plus importants
Pour le président du Coffmet, c’est le métier de métrologue qui manque tant aux mécaniciens. Et c’est dans le domaine de la métrologie tridimensionnelle que les besoins sont les plus importants, qu’il s’agisse de technologies laser, capteurs chromatiques, mais également de photogrammétrie et autres scanners 3D, énumère Cyril Aujard. Alors que la fabrication additive est de plus en plus présente dans les sites de production, les entreprises doivent faire appel à la technologie du rayon X, telle que la tomographie, pour le contrôle dimensionnel non destructif de pièces imprimées.
« Le métier a bien évolué car la métrologie intervient du début jusqu’à la fin d’un cycle de production, c’est-à-dire qu’on va autant intervenir pour faire réduire les coûts de conception et de R&D d’un nouveau produit, que sur le cycle final pour confirmer la qualité et la conformité »
relève Cyril Aujard, sur le plateau de MPLE, qui parle également d’une métrologie automatisée avec la quête de responsables de cellules autonomes, dans le cadre de l’industrie 4.0. Ainsi, il sera question d’interfacer les moyens de métrologie et les machines-outils, avec la robotique. Sans oublier la gestion du « big data », le suivi statistique, « de manière à rendre les usines plus intelligentes ».
L’industrie continue de souffrir d’une « image vieillissante »
Si les entreprises de mécanique peinent encore à recruter du personnel, c’est aussi parce qu’elles continuent de souffrir d’une mauvaise image. Pour M. Parascandolo, l’industrie continue de souffrir d’une « image vieillissante », celle « des temps modernes qu’on nous ressort assez souvent, ce qui n’est pas du tout le cas d’ailleurs ». Mais le délégué général adjoint d’Evolis observe « un effort assez significatif, qui a été fait vers l’industrie pour différentes raisons. Les derniers événements avec le Covid nous ont rappelé la nécessité d’être indépendants dans le mode de production à tous les niveaux. Et le deuxième élan trouve sa source dans l’industrie du futur. C’est-à-dire qu’on s’aperçoit aujourd’hui que les technologies de production sont de plus en plus digitalisées, sont de plus de plus en plus accessibles aux jeunes générations, parce que compatibles avec leurs valeurs, sur le mode de fonctionnement, sur la capacité à créer des produits. Des technologies qui sont plus complexes à appréhender et cela demande effectivement des compétences variées, mais elles bénéficient aussi, comme tous les équipements qu’on a autour de nous, d’une facilité de prise en main et d’utilisation. Donc c’est aussi beaucoup plus accessible. Quand vous faites appel à de la fabrication additive, ça peut permettre à n’importe qui de créer son objet chez lui. Donc c’est un formidable appel à la production et à la création. Donc c’est ça qu’il faut essayer de valoriser. »
« Le nombre d’heures de formation en métrologie a considérablement diminué »
Mais si les machines conventionnelles pouvaient « fait peur à l’Education nationale pour des questions d’accidentologie », Nicolas Parascandolo constate que « la tendance est en train de s’inverser ».
A la question sur une possible déconnexion entre le monde de l’Education nationale et les besoins réels des entreprises, pour Cyril Aujard, elle est réelle. « Aujourd’hui, par rapport à tous les programmes existants à l’Education nationale, en BTS et DUT le nombre d’heures en métrologie a considérablement diminué », regrette le directeur de la division Manufacturing Intelligence du groupe Hexagon, en France, tout comme il déplore « qu’on peut compter, sur le territoire, moins de cinq licences spécialisées en mesure 3D ». M. Aujard observe que le monde de l’éducation n’est plus en « adéquation avec le besoin des industriels français en métrologie ».
Si Nicolas Parascandolo ne s’étonne pas de voir davantage d’ingénieurs débarquer sur le marché du travail, c’est aussi parce que « l’on a montré le BTS et le bac pro comme des voies de garage, quand on n’arrivait pas à faire des études supérieures, alors que ça devrait être des voies d’excellence pour un certain nombre de jeunes hommes et de jeunes femmes qui se révèlent dans des métiers techniques ».
Et d’insister que ces diplômes doivent être « une voie de réalisation pour un certain nombre de personnes qui aiment réaliser des choses qui n’ont pas forcément besoin d’aller jusqu’à des diplômes d’ingénieur. Les Allemands sont beaucoup plus ouverts sur cette pratique ».