Innover autrement : l’urgence de transformer l’industrie automobile européenne
Réduire les délais, investir différemment et renforcer la coopération : pour Yoann Gautier-Fouquet, ces pistes sont essentielles pour que l’industrie automobile européenne reste compétitive face aux géants asiatiques. Une transformation des méthodes de travail et des relations professionnelles s’impose.
Cet été, l’Union européenne annonçait vouloir instaurer une taxation à l’encontre des véhicules électriques chinois, mais en contrepartie, les constructeurs européens devront accélérer leurs cycles d’innovation et de développement, tout comme leurs partenaires. Directeur de la business unit automotive chez l’équipementier Bontaz, Yoann Gautier-Fouquet se demande quels sont les moyens qui s’offrent à l’industrie pour faire front, alors que « les concurrents chinois ont développé une productivité inégalée, qui fait certes recette, mais qu’il est impensable de dupliquer en Europe, sans remettre en question un modèle social, voire de société ».
Alors que la conception d’un produit en série s’établit désormais autour de 6 à 12 mois, contre 24 à 36 mois il y a trois ans de cela, vous dites que l’enjeu est encore d’accélérer. Comment rester compétitif et embrasser un modèle de développement viable et crédible d’innovation en passant par cette cruciale question du timing ?
En réalité, nous devons d’abord nous attacher à réviser collectivement nos process métiers et paradoxalement arrêter de nous concentrer sur l’innovation produit, qui a déjà eu lieu. Car ce n’est qu’au prix d’une réduction des temps de développement, permise par une révision des process, que s’opérera une accélération, porteuse de compétitivité. La gestion de projet s’articule autour d’un triptyque bien connu : qualité, coût, délai. Naturellement quand un des volets est dégradé, c’est l’équilibre de l’ensemble qui souffre. Dans cette optique, si les délais de développement sont raccourcis, ce sont les coûts qui vont fortement être impactés. Et aujourd’hui encore le déclenchement d’investissements est très largement conditionné par des levées de risques.
Que proposez-vous ?
Ne serait-il pas souhaitable d’échelonner ces investissements de manière progressive, proportionnellement à la baisse des risques, de sorte à accroître notre capacité d’investissement dès les prémices des projets ? Cela permettrait de gagner en flexibilité. Deux pistes s’offrent à nous pour repenser notre modèle : d’abord, dans une industrie établie depuis plus d’un siècle qui a perdu en capacité de réflexion absorbée par le « faire », réinterroger des process devenus obsolètes et rechallenger le sens de nos métiers est une nécessité.
Dans les méthodes de management de projet, il est possible de s’éloigner des modèles très itératifs et linéaires pour adopter des modèles plus agiles. Pour ce faire, c’est toute la chaîne de valeurs qui doit être associée pour que l’ensemble de la profession se transforme. À commencer par les clients qui sont les donneurs d’ordre et qui nous demandent logiquement d’honorer leurs contraintes de temps et de production. Sans oublier les sous-traitants, pierre angulaire de la qualité opérationnelle du service rendu.
Toutefois, miser sur la technologie seule suffira-t-il ?
C’est un changement de paradigme qu’il nous faut adopter pour inventer une nouvelle méthodologie tant dans la gestion de projet que dans notre mode de coopération. Ensuite, en France notre relation au business est historiquement très ancrée gagnant/perdant sur un mode plutôt conflictuel. Pour le dire simplement, le client doit avoir la sensation qu’il a « gagné » face à un fournisseur qui doit, lui, se mettre en position d’infériorité. Au contraire, dans les pays anglo-saxons, l’assurance et l’aplomb du fournisseur sont valorisés. Ils sont des signaux forts et rassurants pour le client qui sait pouvoir compter sur un partenaire robuste, sur un mode plus coopératif. La clé se trouve dans des relations pacifiées et respectueuses, où chacun doit pouvoir gagner à son échelle. La concurrence n’en cessera pas moins d’exister.
Vous assurez qu’il est indispensable de former un ensemble d’acteurs cohérent face à l’Asie. Pourquoi ?
L’industrie automobile se structure autour d’un écosystème qui doit se mettre simultanément en mouvement. Notre rôle en tant qu’équipementier n’est pas de déplorer une situation réglementaire sur laquelle nous n’avons aucune prise, mais de proposer des solutions pour y répondre dans un contexte de crise inédit. Nous devons, en tant qu’équipementier, apporter de la sérénité dans le business en étant des facilitateurs et en étant certain de notre valeur et de nos capacités collectives à relever le défi d’un modèle de production plus efficace.
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