BionicBee, l’abeille qui donne des ailes à la recherche bionique
Cet insecte pollinisateur robotisé est né dans le laboratoire de recherche de l’automaticien Festo. Surtout, les chercheurs sont parvenus à faire voler dix BionicBee en essaim de manière autonome. Mais à quoi tout cela peut-il bien servir ?
En janvier, nous évoquions une innovation en microrobotique, avec RoboBee, qui, comme son nom l’indique, reproduit le comportement de cet insecte pollinisateur, grâce à des muscles artificiels, développés par le Wyss Institute, de l’université Harvard (Royaume-Uni). Chez Festo, on aime aussi les abeilles. A tel point que des ingénieurs ont décidé de les imiter, là aussi grâce à la mécatronique. L’exploit, au-delà d’avoir produit une abeille bionique, a été poussé jusqu’à ce qu’elles puissent voler en total autonomie et en essaim.
Pesant environ 34 grammes, mesurant 22 centimètres de long pour une envergure de 24 centimètres, la BionicBee, de l’allemand Festo, a l’allure d’un insecte géant. Mais c’est sans doute la reproduction la plus fidèle de la manière dont volent les abeilles, dont les fines ailes tournent en cercle créant ainsi une sorte de vortex.
Construction ultra-légère
Le spécialiste des technologies d’automatisation explique que les développeurs ont utilisé la méthode de conception générative pour rendre son BionicBee, le plus léger possible. « Après avoir saisi quelques paramètres, un logiciel trouve la structure optimale en fonction de principes de conception spécifiques afin d’utiliser le moins de matière possible pour créer la conception la plus stable possible. » Et de souligner que cette construction légère était « cruciale pour une bonne maniabilité et une bonne durée de vol ».
Le corps de l’abeille est constitué d’un boîtier compact, renfermant le mécanisme de battement des ailes, la technologie de communication ainsi que des composants de commande et de l’adaptation de la géométrie des ailes. On y trouve : un moteur sans balais, trois servomoteurs, une batterie, un réducteur et diverses cartes électroniques. « L’interaction intelligente entre les moteurs et la mécanique permet, par exemple, d’ajuster précisément la fréquence des battements d’ailes pour les différentes manœuvres », relève Festo, dont son abeille vole avec une fréquence de battement d’ailes de 15 à 20 hertz. « Les ailes battent d’avant en arrière à un angle de 180 degrés, détaille-t-il. Le moteur sans balais entraîne les battements d’ailes sans jeu, grâce à une construction mécanique ultra-légère et guidée avec précision. » Et d’expliquer que plus la vitesse est élevée, plus la fréquence de battement des ailes et la portance sont élevées. « Les trois servomoteurs à la base de l’aile modifient la géométrie de l’aile d’une manière particulière, augmentant ainsi l’efficacité de certaines positions de l’aile et générant une variation spécifique de la portance », poursuit ce spécialiste des composants mécatroniques.
Inclinaison du corps
« Si l’abeille est censée voler vers l’avant, la géométrie est ajustée de manière à ce que la portance en position de l’aile arrière soit supérieure à celle en position avant, expliquent les chercheurs du Bionic Learning Network, un réseau de recherche initié par Festo, qui rassemble à la fois des universités, instituts, sociétés de développement et des inventeurs privés. Cela provoque une inclinaison du corps vers l’avant [mouvement rotationnel appelé tangage] et l’abeille vole vers l’avant. Si la géométrie est ajustée de manière à ce que l’aile droite génère plus de portance que l’aile gauche, l’abeille roule autour de l’axe longitudinal vers la gauche et s’envole sur le côté. » Une option consiste à l’ajuster de telle manière qu’une aile génère plus de portance à l’avant et que la deuxième aile génère plus de portance à l’arrière, provoquant une rotation de l’abeille autour de l’axe vertical, c’est ce que l’on appelle, en aéronautique, le lacet, c’est-à-dire une oscillation sur le plan horizontal.
L’autre prouesse technologique est d’avoir réussi à faire voler dix BionicBee, de manière autonome. Ce vol en essaim a été rendu possible grâce à un système de localisation intérieure, doté de la technologie ultra-large bande (UWB). Huit ancrages UWB ont été installés sur deux niveaux dans une salle. « Les ancres UWB envoient des signaux aux abeilles individuelles, qui mesurent indépendamment les distances par rapport aux émetteurs et peuvent calculer leur propre position dans l’espace à l’aide des horodatages », explique Festo.
« Accroître la créativité »
Mais à quoi tout cela peut-il bien servir ? Comme pour la Formule 1, qui joue un rôle de laboratoire technologique, les objectifs du Bionic Leaning Network est, selon Festo, de pouvoir « donner des impulsions », lancer, inspirer et susciter des innovations. Ici, sont identifiés les toutes dernières tendances dans le secteur de la R&D, et de nouvelles technologies et techniques de production sont expérimentées. La volonté de ce laboratoire est d’ « accroître la créativité lors de la recherche de solutions et stimuler le prédéveloppement des produits grâce à la construction de prototypes », assure-on au sein de l’équipe, qui est composée d’ingénieurs, de biologistes, designers et autres programmeurs.
Les besoins des clients restent en ligne de mire. Car le but du Bionic Learning Network, lancé en 2006, est aussi d’engager un échange avec les utilisateurs des produits Festo et ses partenaires, en leur présentant leurs prototypes, attendant de leur part des retours. Puis, en cherchant à optimiser des différentes technologies, comme ce fut le cas sur l’abeille artificielle, cela « donne des idées et des approches complexes pour développer et améliorer de nouveaux produits ».
Attirer les jeunes talents
Le laboratoire vient aussi promouvoir le savoir-faire de Festo, en développant des « solutions d’une manière attrayante afin d’inspirer les jeunes pour la technologie et de trouver de nouveaux talents », glisse-t-on à Esslingen am Neckar (Bade-Wurtemberg), le siège du groupe.
Si Festo travaille depuis le début des années 1990 sur le thème de la bionique – le transfert de mécanismes naturels vers la technologie -, la création du Bionic Learning Network a permis, selon l’automaticien, d’établir des échanges « ouverts et intensifs » avec des écoles supérieures, instituts et autres sociétés de développement renommées.